La première fois qu’on m’a proposé d’essayer une 205 convertie à l’électrique, j’ai rigolé. Puis j’ai appuyé sur l’accélérateur. Silence, couple immédiat, zéro fumée… et la petite lionne des années 90 qui déposait des SUV dernier cri au feu rouge. C’est là que je me suis dit : OK, le retrofit, ce n’est pas juste un délire de bricoleur du dimanche.
Si vous avez une voiture (ou une moto) que vous adorez et que vous n’avez aucune envie de l’envoyer à la casse, le retrofit moteur électrique peut être une super alternative. Mais attention : ce n’est pas un simple “swap” de moteur comme dans les films. Entre la réglementation, le choix du kit, le montage et l’homologation, il y a de quoi se perdre.
On va donc voir ensemble, de manière simple : comment choisir le bon kit, ce que dit la loi, combien ça coûte vraiment et comment mettre toutes les chances de votre côté pour une conversion réussie.
Retrofit moteur électrique : c’est quoi exactement ?
Le retrofit, c’est le fait de remplacer le moteur thermique (essence ou diesel) de votre véhicule par un moteur électrique, tout en gardant le reste du véhicule : châssis, carrosserie, souvent la boîte de vitesses, freinage (avec quelques adaptations).
En France, c’est légal depuis 2020, mais uniquement si :
- le véhicule a plus de 5 ans (voiture particulière) ou 3 ans (utilitaire, bus, poids lourd),
- la puissance du système électrique reste globalement cohérente avec celle d’origine,
- la conversion est réalisée avec un kit homologué par un professionnel habilité,
- le véhicule est repassé à la DREAL pour une nouvelle homologation, puis re-immatriculé.
Donc non, vous ne pouvez pas transformer votre Twingo en dragster électrique de 400 ch “juste pour voir”. Enfin… pas légalement sur route ouverte.
Pourquoi envisager un retrofit plutôt que changer de voiture ?
La question se pose forcément : pourquoi investir dans une vieille auto au lieu d’acheter directement une électrique neuve ? Il y a plusieurs raisons très valables.
- Attachement au véhicule : youngtimer, voiture de collection, van aménagé, 4×4 pro… Difficile de jeter un véhicule qu’on aime.
- Empreinte écologique : produire une voiture neuve a un coût carbone énorme. Réutiliser ce qui existe déjà est souvent plus vertueux.
- Accès aux ZFE : un retrofit permet de garder votre véhicule préféré tout en ayant une vignette Crit’Air 0.
- Expérience de conduite : couple immédiat, silence, confort… un vieux véhicule peut se transformer en daily moderne.
- Image & usage pro : pour certains pros (artisans, véhicules de livraison, véhicules image), c’est un vrai plus marketing.
En revanche, si votre Clio 3 diesel de 300 000 km est rincée de partout, le retrofit n’a pas beaucoup de sens : il ne transformera pas une épave en voiture neuve.
Les grandes familles de kits de retrofit électrique
Quand on parle de “kit”, on parle en réalité d’un système complet homologué pour un type de véhicule précis (ou une famille proche). Les composants principaux sont :
- un moteur électrique (ou plusieurs),
- un pack batteries,
- un contrôleur / onduleur,
- un chargeur,
- un système de gestion de batterie (BMS),
- les interfaces mécaniques (adaptateur pour la boîte, supports moteur, etc.),
- le faisceau électrique et l’électronique de commande.
On peut distinguer trois grandes approches.
1. Kit avec conservation de la boîte de vitesses
Ici, le moteur électrique est fixé à la boîte existante via une platine d’adaptation. Vous gardez votre embrayage et souvent le levier de vitesse.
- Avantages : plus simple à intégrer, moins cher, permet d’exploiter les rapports déjà présents.
- Inconvénients : un peu moins optimal en rendement, conduite parfois déroutante (on utilise peu les rapports).
2. Kit avec transmission simplifiée ou directe
Le moteur est directement relié à la transmission (pont, arbre, cardans) avec un réducteur fixe.
- Avantages : plus proche d’une électrique moderne, moins de pièces d’usure (plus d’embrayage).
- Inconvénients : adaptation plus lourde, coûts plus élevés, tous les véhicules ne s’y prêtent pas.
3. Kits spécifiques “clé en main” par modèle
Certains fabricants proposent des kits dédiés à un modèle précis (2CV, R5, Coccinelle, combi VW, utilitaires, etc.).
- Avantages : développement optimisé, processus déjà rôdé, homologation simplifiée.
- Inconvénients : choix limité de modèles, possibilités de personnalisation parfois restreintes.
Les critères essentiels pour choisir le bon kit
Avant d’ouvrir le portefeuille, il faut être clair sur votre usage et vos attentes. Les fiches techniques, c’est bien, mais la vraie vie, c’est mieux.
1. Autonomie réelle, pas celle du catalogue
Posez-vous la bonne question : quel est votre besoin quotidien réel ? 30 km ? 80 km ? 200 km ?
- Pour un usage urbain / périurbain : 80–120 km réels suffisent largement.
- Pour un véhicule pro : visez 120–200 km selon vos tournées.
- Pour du loisir (youngtimer, balade) : mieux vaut un peu de marge, mais pas besoin de 500 km.
Gardez en tête qu’un pack plus gros = plus de poids = plus cher. Inutile de surdimensionner “au cas où” si vous rechargez chez vous tous les soirs.
2. Puissance et couple : rester cohérent
La loi impose une puissance cohérente avec celle d’origine. En pratique :
- Si votre voiture faisait 90 ch, un kit dans cette zone est parfait.
- Inutile de chercher la surenchère, le couple instantané de l’électrique donne déjà une sensation de peps.
- Trop puissant = plus cher, plus complexe à homologuer, potentiellement plus dur pour la transmission d’origine.
3. Poids et répartition des masses
Le retrofit ne doit pas transformer votre voiture en enclume instable.
- Vérifiez le gain ou la perte de poids par rapport au thermique (moteur, réservoir, échappement retirés).
- Assurez-vous que les batteries sont bien positionnées (souvent dans l’emplacement moteur + sous le plancher / coffre).
- Le fabricant doit vous fournir les nouvelles masses par essieu.
C’est un point clé pour le comportement routier… et pour l’homologation.
4. Compatibilité avec votre modèle
Certains kits sont génériques, d’autres très spécifiques. Dans tous les cas, privilégiez :
- un kit déjà monté sur le même modèle que le vôtre,
- un fabricant capable de vous donner des retours d’expérience concrets,
- une documentation claire et détaillée.
Si votre véhicule est très rare, le projet peut vite devenir un prototype coûteux.
5. Type de recharge
Posez la question noir sur blanc :
- Recharge AC (prise domestique, wallbox) : quelle puissance ? 3,7 kW ? 7,4 kW ?
- Recharge DC (rapide) : possible ou pas ? Sur quels standards (CCS, CHAdeMO) ?
- Temps de charge de 20 à 80 % sur vos scénarios d’usage.
Sur un petit véhicule urbain, l’absence de recharge rapide peut être acceptable. Sur un utilitaire, beaucoup moins.
Réglementation française : ce qu’il faut absolument savoir
Le retrofit est très encadré en France. Et, bonne nouvelle, ce n’est pas à vous de tout gérer : un professionnel habilité doit prendre la main sur la partie réglementaire.
En résumé :
- Le kit doit être homologué par l’UTAC pour une ou plusieurs familles de véhicules.
- Le montage doit être réalisé par un installateur agréé.
- Le véhicule passe ensuite par une DREAL (ou DRIEE/DEAL selon région) pour une réception à titre isolé (RTI) ou via un procès-verbal d’extension de type.
- La carte grise est modifiée : énergie = “Électricité” et éventuellement PTAC/puissance modifiées.
Si quelqu’un vous propose un kit “sans paperasse, t’inquiète” : fuyez. Vous risquez un véhicule impossible à immatriculer, invendable, et potentiellement non couvert par votre assurance en cas de pépin.
Combien coûte un retrofit électrique ?
On entre dans le dur. Les prix varient en fonction :
- du type de véhicule (citadine, utilitaire, voiture de collection, 4×4…),
- de la taille du pack batterie,
- du niveau de finition et d’intégration,
- du travail nécessaire (corrosion, adaptation châssis, freinage, etc.).
En 2025, on peut donner quelques ordres de grandeur :
- Petite citadine : autour de 8 000 à 15 000 € TTC.
- Véhicule moyen / utilitaire léger : plutôt 12 000 à 25 000 € TTC.
- Véhicule de collection / youngtimer haut de gamme : très variable, parfois 25 000 € et plus.
Ce sont des budgets significatifs, on est d’accord. Mais il faut les mettre en perspective avec :
- le coût d’un véhicule électrique neuf équivalent,
- les économies de carburant et d’entretien sur plusieurs années,
- la valeur affective ou patrimoniale du véhicule converti.
Les aides possibles
Selon les périodes et les régions, vous pouvez bénéficier :
- d’un bonus écologique pour le retrofit (souvent quelques milliers d’euros sous conditions),
- d’aides locales (région, métropole, notamment en ZFE),
- de déductions fiscales pour les professionnels (amortissement, TVA, etc.).
Vérifiez systématiquement les dispositifs en vigueur au moment de votre projet, ils évoluent régulièrement.
Bien choisir le professionnel qui fera la conversion
Vous n’allez pas confier la greffe de cœur de votre voiture à n’importe qui. Quelques critères pour ne pas se tromper :
- Certification : installateur agréé pour le kit que vous choisissez, habilitation haute tension, assurance professionnelle adaptée.
- Réalisations déjà faites : demandez à voir des véhicules convertis, si possible du même type que le vôtre.
- Transparence : devis détaillé, planning, explication claire des étapes (montage, essais, homologation).
- Suivi : maintenance, garantie des composants, disponibilité des pièces de rechange.
N’hésitez pas à poser des questions très concrètes :
- “Qu’est-ce qui se passe si le BMS tombe en panne dans 5 ans ?”
- “Où sont placées les batteries précisément ?”
- “Que devient le freinage d’origine ? Y a-t-il un renforcement prévu ?”
- “Avez-vous des clients qui roulent avec ce kit depuis plus de 2 ans ?”
Un bon pro ne se vexera pas, au contraire.
Les grandes étapes d’un projet de retrofit réussi
Pour que tout se passe bien, mieux vaut savoir à quoi vous attendre.
1. Diagnostic du véhicule
Avant de parler kWh et Newton-mètres, il faut s’assurer que la base est saine :
- état du châssis (corrosion, réparations),
- freins, suspensions, direction,
- circuit électrique existant,
- documentation dispo (cartes grises, notices, caractéristiques techniques).
Si la voiture est déjà limite pour le contrôle technique, le retrofit ne fera qu’ajouter des coûts.
2. Définition du cahier des charges
Avec le professionnel, vous définissez :
- autonomie cible,
- type d’usage (urbain, mixte, pro, loisir),
- type de recharge,
- niveau de performance souhaité,
- budget max.
C’est le moment d’être honnête avec vous-même : allez-vous vraiment faire 400 km par jour avec cette voiture ?
3. Choix du kit et validation technique
Le pro vous propose un kit adapté, avec :
- fiche technique détaillée,
- schéma d’implantation des composants,
- estimation du poids final,
- références d’homologation.
Ne signez rien sans avoir tout noir sur blanc, y compris les délais et les conditions de garantie.
4. Montage et intégration
C’est là que la magie (et la sueur) opère :
- démontage moteur thermique, réservoir, échappement, périphériques,
- installation du moteur électrique et de ses supports,
- intégration des batteries et protections mécaniques,
- câblage haute tension et basse tension,
- intégration des commandes (contact, affichage, instrumentation).
Un bon installateur travaille proprement : fixations sécurisées, câblages protégés, rien qui pendouille comme sur une vieille installation audio des années 2000.
5. Tests, réglages et homologation
Avant de vous rendre les clés :
- essais routiers et vérification du comportement,
- paramétrage du BMS et du contrôleur,
- contrôles sécurité (isolement, protections, freinage),
- dossier pour la DREAL et passage en réception.
Une fois l’homologation obtenue, votre carte grise est mise à jour et vous pouvez rouler légalement en électrique.
Les pièges à éviter absolument
Comme dans tout secteur en pleine hype, il y a quelques chausse-trappes.
- Le kit miracle trop bon marché : si le prix est deux fois inférieur au marché, c’est rarement parce que le fabricant est juste “trop sympa”.
- Le projet prototypage sauvage : intéressant pour les passionnés très aguerris, mais incompatible avec un usage routier légal et assuré.
- Les délais fantaisistes : un retrofit sérieux prend du temps (souvent plusieurs semaines, parfois quelques mois entre rendez-vous, montage et homologation).
- L’oubli des coûts annexes : assurance, contrôle technique, éventuels frais de stationnement / immobilisation, borne de recharge à domicile.
Et surtout : ne sous-estimez pas le temps de discussion avec l’administration. C’est le jeu, tout le monde y passe.
Retrofit et moto : possible aussi, mais plus particulier
On parle beaucoup des voitures, mais les motos et scooters peuvent aussi être rétrofités. Là aussi, il existe des kits et des pros spécialisés.
Les particularités :
- moins de place pour loger les batteries, donc autonomie souvent plus limitée,
- poids très sensible sur le comportement,
- besoin d’une intégration très soignée pour garder un bon équilibre et une esthétique cohérente.
Pour une vieille moto utilisée surtout en ville ou en balade courte, ça peut être une super transformation. Pour de longs road-trips au long cours, la techno actuelle reste encore un peu limitée… à moins d’aimer les pauses café très fréquentes.
Faut-il se lancer maintenant ou attendre ?
La question arrive systématiquement : est-ce le bon moment ou vaut-il mieux patienter que les prix baissent ?
Quelques éléments pour trancher :
- Le cadre légal en France est posé, ce n’est plus un Far West réglementaire.
- L’offre de kits sérieux augmente progressivement, surtout pour certains modèles populaires.
- Les aides publiques peuvent évoluer à la baisse avec le temps.
- Les contraintes de circulation (ZFE, Crit’Air) se durcissent dans beaucoup de grandes villes.
Si votre véhicule thermique est encore jeune, peu kilométré et non concerné par les ZFE, vous pouvez vous laisser un peu de temps. Si, au contraire, vous avez déjà la boule au ventre à chaque nouvelle annonce sur les restrictions de circulation, le retrofit mérite clairement d’être étudié.
En résumé : le retrofit, ce n’est pas une baguette magique, c’est un vrai projet. Mais bien mené, avec le bon kit et le bon pro, il peut transformer votre vieille compagne de route en électrique moderne, sans vous obliger à la remplacer par un engin aseptisé sorti d’usine la veille.
Et puis, avouons-le : voir une 2CV silencieuse déposer des voitures au démarrage, ça n’a pas de prix.
